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Apprendre d’un groupe de jeunes photographes amateures: le récit d’une visite et d’un atelier animés

Date et heure
Vendredi 13 avril 2012

Apprendre d’un groupe de jeunes photographes amateures: le récit d’une visite et d’un atelier animés

Il y a quelques jours, ma collègue Emily Keenlyside écrivait dans notre blogue que la plupart des groupes ayant visité l’exposition Chroniques d’une disparition, en compagnie de notre équipe d’éducateurs, étaient de niveau collégial et universitaire. Des groupes que nous apprécions grandement et avec lesquels nous échangeons des idées toujours enrichissantes sur les œuvres. Toutefois, il est vrai que travailler avec d’autres types de publics vient ajouter une expérience nouvelle à notre pratique d’éducateurs et d’éducatrices. Emily affirmait donc avoir beaucoup apprécié son expérience de visite et d’atelier lors de nos Portes ouvertes samedi dernier, étant donné que le public était différent, composé d’adultes aux parcours variés. Elle se demandait alors: «Qu’est-ce qui rend ces participants adultes uniques et que pouvons-nous, éducateurs, apprendre d’eux alors que nous animons visite et atelier?»

J’ai tenté de me poser cette même question afin de réfléchir à mon expérience de visite et d’atelier avec un groupe de jeunes photographes amateures de 12 à 16 ans qui participaient à un camp de photographie. Nous avons commencé les activités par une visite de l’exposition Chroniques d’une disparition. À un moment donné, il s’agissait de se déplacer dans l’espace de la Fondation au cœur de la série de photographies de Taryn Simon, An American Index of the Hidden and Unfamiliar, de regarder les photographies, de lire les textes qui les accompagnent, de les analyser, pour finalement choisir notre préférée et la décrire en cinq mots-clés.

Les jeunes étaient complètement absorbées par la série de photographies, elles échangeaient leurs idées en sous-groupes, s’exclamaient à chaque nouveau site caché qu’elles découvraient dans les images de Taryn Simon. Nous avons eu beaucoup de plaisir à présenter nos choix et nos idées. Les commentaires étaient éclairants, les analyses pertinentes. En observant les mouvements des jeunes dans l’espace d’exposition, j’apprenais à ne pas oublier l’importance de l’enthousiasme, du plaisir et de la spontanéité lorsque nous interprétons les œuvres d’art, et combien ces qualités d’émerveillement ont la capacité d’ouvrir nos esprits, de délier nos idées et de nous amener plus loin dans nos explorations.

Une sélection de photographies et trois mots-clés choisis par les participantes ont laissé leur trace dans ma mémoire après la visite. C’était la photographie Transatlantic Sub-Marine Cables Reaching Land, VSNL International, Avon, New Jersey, qui nous montre l’endroit, aux États-Unis, où émergent à la surface de l’eau des câbles sous-marins de télécommunication, deux séries de câbles orange remontant un mur à la verticale et entourés d’une petite barrière de métal; et, aussi, trois mots-clés trouvés par les participantes, en relation avec cette image: «vide», «non-protégé» et «petit».

1 — D’abord, il s’agissait pour les participantes de regarder la photographie et de lire le texte accompagnateur:

Transatlantic Sub-Marine Cables Reaching Land, VSNL International, Avon, New Jersey

Ces câbles sous-marins de télécommunications (VSNL) s’étendent sur 12 935 km à travers l’océan Atlantique. Capables de transmettre simultanément plus de 60 millions de conversations vocales, ces câbles sous-marins en fibre optique sont tendus de Saunton Sands, au Royaume-Uni, à la côte du New Jersey. Ils circulent «souterrainement» et refont surface directement au siège de VSNL International, où les signaux sont amplifiés et se scindent en longueurs d’ondes distinctes permettant à la fois les appels téléphoniques transatlantiques et les communications par Internet.

These VSNL sub-marine telecommunications cables extend 8,037.4 miles across the Atlantic Ocean. Capable of transmitting over 60 million simultaneous voice conversations, these underwater fiber-optic cables stretch from Saunton Sands in the United Kingdom to the coast of New Jersey. The cables run below ground and emerge directly into the VSNL International headquarters, where signals are amplified and split into distinctive wavelengths enabling transatlantic phone calls and internet transmissions.

2 — Ensuite, elles ont choisi ces mots-clés: «vide», «non-protégé», «petit»

Nous avons discuté du fait qu’il est très surprenant de voir combien ces câbles, qui ont la responsabilité et la capacité de transmettre simultanément 60 millions de conversations vocales, sont si peu protégés à l’endroit où, aux États-Unis, ils émergent à la surface. L’espace où ils se trouvent est «vide» et «non-protégé»; dans cet espace, il y a absence d’appareillage de sécurité. Et le troisième mot-clé, «petite», évoque tout autant la toute petite barrière de métal, un peu ridicule et sans grande utilité, que la grosseur de ces câbles orange, déjà plutôt fins quand on songe à la quantité de voix qui y circulent et encore plus délicats et vulnérables quand on les regarde en compagnie de cette frêle barrière qui les entoure.

3 — Ces idées développées dans la spontanéité par ces participantes avaient cette capacité, à mon avis, de résonner au delà du contexte de la visite, pour dialoguer avec les propos de Taryn Simon, énoncés dans un autre contexte. Lors d’une conférence, en 2009, Taryn Simon affirmait, au sujet de l’image Transatlantic Sub-Marine Cables Reaching Land, VSNL International, Avon, New Jersey:

«… et sur quantité de sites gouvernementaux et de haute technologie, il n’y avait que cette vulnérabilité très apparente; c’en est presque drôle, parce que cela induit que je pourrais tout simplement couper cette conversation, d’un seul coup, facile…»

Après la visite, lors de l’atelier Par les yeux du surveillant, l’enthousiasme, la curiosité et l’atmosphère détendue étaient encore une fois à l’honneur. Faces aux images énigmatiques tirées des caméras de surveillance de DHC/ART, les jeunes photographes se transformaient en détectives, complètement investies dans leur rôle et déterminées à découvrir la clé du mystère de ces images. Elles inventaient avec joie et fébrilité des scénarios de séduction et des intrigues de vol, pour ensuite présenter leurs idées à tout le groupe. Encore une fois, ce fut une occasion pour moi d’admirer l’énergie de ces jeunes filles et d’apprendre quelque chose de leur curiosité. Cela rappelle que les émois du corps participent positivement au développement des idées.

Un grand merci aux participantes du camp de photographie Entrequatreyeux, ainsi qu’à ses animateurs, dont Benoît Dhennin, et son directeur Éric Bergevin.

Marie-Hélène Lemaire
DHC/ART Éducation

Photos: Marie-Hélène Lemaire, Richard-Max Tremblay (vues d'installation) et Benoît Dhennin (visite)

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