Concept migratoire: immersion
Concept migratoire: immersion
Merci aux étudiants en performance (Intermedia/Cyberarts) de l’Université Concordia et à leur professeur Monique Moumblow pour les idées et impressions inspirantes échangées lors de la visite, dont certaines sont retranscrites en italique ci-bas, de mémoire, en dialogue avec les miennes. Merci également à Éric Bergevin et à ses jeunes participants du camp photo Entre quatre yeux pour la superbe photo.
Nous sommes à l’intérieur de l’installation Data.tron [advanced version 2] et Data.matrix [no. 1-10] de Ryoji Ikeda:
«Quelque chose se passe du point de vue de la persistance rétinienne, si on cligne des yeux dans l’installation, on voit, très furtivement, le spectre de couleurs qui se trouve dans la lumière blanche. Il y a quelque chose de stroboscopique dans l’effet.»
«Ce qui importe beaucoup plus pour Ikeda, c’est la perception sensuelle et sensorielle que nous avons des données plutôt que la signification de ces données.»
«Concernant ‘le sens’ des données versus ‘les sens’ engagés par ces données, on dirait qu’on n’est pas dans le détail de ce que chaque donnée veut dire, on est plutôt dans une impression générale et diffuse d’être baigné dans une infinité de données.»
«Quand on se déplace dans l’espace d’installation, à certains endroits on perçoit telle fréquence sonore ou telle tonalité, qu’on ne percevrait pas ailleurs, et en bougeant encore — on peut s’accroupir ou se coucher par terre — on entend d’une autre façon. Ikeda nous fait réaliser qu’on écoute avec tout notre corps.»
Dans les installations immersives de Ryoji Ikeda, les ondes sonores et lumineuses sont perceptibles, non pas seulement via les oreilles et les yeux, mais bien via tout le corps : certaines nous frappent soudainement et durement dans les viscères, d’autres font légèrement frémir le duvet à la surface de notre peau, d’autres encore deviennent des courants électriques qui font vibrer les os de notre boîte crânienne, pour remonter jusqu’à l’œil ; pour Ikeda, le corps entier est une caisse de résonance.
Bien que les multiples projections visuelles et lumineuses qui composent l’installation contribuent indéniablement au caractère immersif de l’œuvre — les corps et leurs silhouettes y circulent, s’y fondent et y créent de l’interférence —, la forte dimension sonore de l’oeuvre est l’un des éléments majeurs du sentiment d’immersion.
Théoricienne du son, des nouveaux médias et de la culture, Frances Dyson affirme:
“… sound is the immersive medium par excellence. Three-dimensional, interactive, and synesthetic, perceived in the here and now of an embodied space, sound returns to the listener the very same qualities that media mediates: that feeling of being here now, of experiencing oneself as engulfed, enveloped, absorbed, enmeshed, in short, immersed in an environment. Sound surrounds. Its phenomenal characteristics — the fact that it is invisible, intangible, ephemeral, and vibrational — coordinate with the physiology of the ears, to create a perceptual experience profoundly different from the dominant sense of sight (…)” (2009, p. 4).
F. Dyson (2009). Sounding new media. Immersion and Embodiment in the Arts and Culture. Berkeley/Los Angeles/London: University of California Press.
Marie-Hélène Lemaire
DHC/ART Éducation
Photo: Éric Bergevin