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Par les yeux du surveillant: une expérimentation, parmi tant d’autres possibles, de l’atelier créé par Emmanuelle Léonard

Date et heure
Vendredi 13 avril 2012

Par les yeux du surveillant: une expérimentation, parmi tant d’autres possibles, de l’atelier créé par Emmanuelle Léonard

Hier j’ai visionné, à nouveau, les trois bandes vidéos captées par les multiples caméras de surveillance de la Fondation DHC/ART; des images en mouvement choisies par l’artiste Emmanuelle Léonard afin que nous, spectateurs, puissions les regarder, les analyser, y voir un scénario ou l’imaginer, pour ensuite en extraire certains fragments d’images fixes, les commenter et les exposer sur le mur de la salle éducative.

Rez-de-chaussée de la Fondation DHC/ART:

Dans la première de ces captations vidéo, on peut observer un groupe de visiteurs à l’entrée de l’exposition Chroniques d’une disparition, tous placés en ligne droite le long du mur. Ils semblent attendre quelque chose… De ma position, je suppose que le groupe attend un éducateur. Cela expliquerait la scène: il est normal et habituel, dans un lieu d’exposition, de voir des groupes en attente d’une visite guidée.

Ils sont plusieurs à avoir le dos appuyé au mur, et, par le fait même, sur le texte d’introduction à l’exposition. Visiblement, ils sont peu intéressés à le lire et, de plus, ils enfreignent la règle muséale qui interdit de toucher aux murs et aux lettres de vinyle. Personne ne semble là pour les ramener à l’ordre.

L’angle de vue des caméras de surveillance ne me permet pas de lire le texte au mur, mais je complète cette «vision de surveillance» avec ma «vision de terrain» comme éducatrice, celle qui me permet de savoir qu’il y a un texte là, pour l’avoir côtoyé plusieurs fois. Grâce aux captations vidéo auxquelles Emmanuelle Léonard me donne accès, ma vision est à la fois une perspective aérienne, démultipliée, sombre et floue, des caméras de surveillance, et aussi la vision de la marcheuse, celle qui connaît les coins et recoins des espaces d’exposition à DHC/ART, pour les avoir explorés jour après jour, à la marche, en compagnie de visiteurs toujours différents.

2e étage de la Fondation DHC/ART:

Je regarde la deuxième captation vidéo: je comprends maintenant que le groupe n’attendait pas un éducateur, car tous se dispersent à la sortie de l’ascenseur, au troisième étage de la Galerie. Cette fois-ci pourtant, certains visiteurs s’arrêtent et lisent le texte au mur, celui qui traite de l’œuvre de José Toirac, Opus — dont un homme aux cheveux blancs. Cet homme, grâce aux caméras de surveillance, se distingue tout à coup du groupe, entre autres par sa tête blanche qui ressort au cœur des images floues et sombres. À mes yeux, il devient suspect: pour des raisons de caractéristiques physiques et de pauvreté de qualité d’image, cet homme devient plus visible. Je regarde à travers ce système que sont les caméras de surveillance et cela influence ce que je vois et ce que j’interprète.

3e étage de la Fondation DHC/ART:

Le comportement de cet homme aux cheveux blancs est suspect pour le lieu: il semble ne pas s’intéresser à l’œuvre sonore et visuelle Opus. Encore une fois, mon travail de terrain d’éducatrice me permet de compléter les images silencieuses de surveillance avec la dimension sonore de Opus. Je sais que l’œuvre nous fait entendre la voix déclamatoire de Fidel Castro qui résonne dans tout l’espace du troisième étage, et qu’on ne peut ignorer. Et pourtant, étonnamment, cet individu ne semble pas l’entendre. Par ailleurs, il se déplace étrangement dans le lieu d’exposition: à un moment, il va vers un coin de l’espace, un endroit inutilisé et habituellement non fréquenté; puis, à un autre moment, il traverse la salle d’exposition, comme s’il n’y avait pas d’œuvre d’art projetée au mur, et va vers les fenêtres près des salles de bain… son attention toujours dirigée ailleurs que sur Opus. Il semble que l’espace même du troisième étage de la Galerie, son design et son architecture, soit l’intérêt premier de cet homme.

4e étage de la Fondation DHC/ART:

Je visionne la troisième captation vidéo; nous sommes maintenant au quatrième étage. La majorité du groupe regarde le film de Omer Fast, 5 000 feet is the best; les gens sont assis dans la pénombre, à peine visibles à l’œil du surveillant. J’aperçois l’homme aux cheveux blancs qui, encore une fois, s’éloigne de l’œuvre d’art en exposition pour aller explorer le couloir derrière l’ascenseur. Il s’arrête à l’endroit où l’on peut avoir une vue en plongée du rez-de-chaussée et de l’entrée de la Galerie, qu’il contemple un instant. Mon hypothèse semble se confirmer: l’architecture même du lieu est son intérêt principal, c’est elle «son» œuvre d’art. Puis, la tête blanche se perd à nouveau dans l’obscurité, elle quitte mon champ de vision ; elle va, j’imagine, vers l’autre côté de la salle, puis elle réapparaît furtivement, pour tout de suite entrer dans l’ascenseur, afin de quitter le quatrième étage, cette salle de projection de 5 000 feet is the best.

Marie-Hélène Lemaire
DHC/ART Éducation

Photos: Marie-Hélène Lemaire

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